Le Diable de Pimlico
Les Nouvelles enquêtes de Harry Dickson
Terre de Brume, Rennes
 
Harry Dickson et Tom Wills marchaient côte à côte dans les rues désertes de Pimlico que le brouillard noyait de ses vapeurs blafardes. Pas d'autre bruit que celui de leurs pas, et pourtant, le maître avançait avec circonspection, sans adresser la moindre parole à son élève. Consigne : silence et vigilance. Tom suivait, tous nerfs tendus, guettant le danger qui pouvait surgir de la nuit. Parvenu au bout de Neptune Lane, Dickson consulta rapidement un plan qu'il avait sorti de sa poche puis tourna sur la gauche d'une façon résolue, s'engageant dans un moignon de rue au pavage luisant. Arrivé devant une maison qui gardait un air d'ancienne majesté avec son avancée à colonnes et son escalier bordé de vasques en marbre, il échangea un signe de connivence avec Tom et poussa la porte dont la serrure n’avait guère résisté à ses ouistitis .
Les deux hommes pénétrèrent dans le vestibule de l’antique demeure. Après quelques pas, ils s’immobilisèrent, scrutant les ténèbres.
– Attention ! là !
Tom Wills avait saisi le bras de son mentor et désignait d'un doigt tremblant une forme sombre allongée sur le sol. Harry Dickson se pencha et souleva la tête d’un homme, un Chinois, qui gisait là.
– Chong Ping ? dit-il. Chong Ping, m’entendez-vous ?
– Pas de réponse.
– Il est mort ? Maître.
– Non, Tom, seulement stupéfié. Il semble qu’il ait été plongé dans un profond sommeil cataleptique. Qui sait quelle drogue a été utilisée pour…
Dickson s’arrêta brusquement, les yeux tournés vers l’extrémité de la pièce.
" By Jove ! que fait donc ce rat ? Regardez, Tom ! "
Un énorme rongeur au pelage sombre, en effet, fourrageait éperdument dans des liasses de vieux journaux qui formaient une couche assez épaisse et masquait le mur du fond sur une certaine hauteur. Il les dispersait à grands coups de patte, grattant à droite et à gauche, fouillant le sol avec ardeur.

– S’en donne-t-il du mouvement, s’exclama Tom Wills. Que peut bien faire ce gros gaspard ? Il ne doit pas espérer découvrir ici une miette de fromage ou de…
Un grand fracas lui coupa la parole. Le rat avait fait un bond en arrière, dans un nuage de poussière. Un souffle d’air humide envahit le vestibule. L’apprenti détective éternua.
" Pouah ! ça sent la cave ici, maintenant… Qu’est-ce que c’est que cela ? "
À force de gratter la muraille et le sol, le rat avait fait écrouler une grande croûte de ce mortier qui recouvre ordinairement la brique des murs intérieurs des maisons. Une fente assez élevée, et qui allait en s’élargissant vers le bas, s’ouvrait maintenant au fond du vestibule. Le rat, remis de son émoi, se hasarda jusqu’à elle, y fourra son museau et renifla longuement. Puis, après avoir tourné la tête avec inquiétude du côté des intrus, il fit volte-face et détala.
Harry Dickson s’approcha à son tour de la fissure et, ébranlant avec ses mains ce qui restait de mortier tout autour, il parvint à l’agrandir suffisamment pour y passer la tête et les épaules. Par cette fente, il aperçut une lumière pâle, verdâtre, qui semblait venir de très loin à travers une couche épaisse de ténèbres.
– Mickey Mouse, mon ami, ricana-t-il, tu viens de nous rendre un fameux service.
Et comme son élève, intrigué, le regardait sans comprendre, il expliqua :
" Cette charmante bestiole n’a pas moins fait que de découvrir le souterrain que je venais chercher en pénétrant dans cette demeure abandonnée qu’en apparence. Un souterrain très large et très long. Je vois une lumière, là-bas, à perte de vue. My boy, j’ai idée que la clef de l’énigme se trouve quelque part au bout de cette galerie. "
 
 
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